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Et si on changeait ?

  • Yan MONPLAISIR
  • 7 sept. 2015
  • 10 min de lecture



Le constat est unanime : Notre pays va mal. Notre économie va mal. Notre société va mal, et notre registre de valeurs est en crise. Quant à notre jeunesse - je parle de celle qui est en panne, et elle est nombreuse -, tenaillée entre le chômage et la précarité, elle se vautre parfois dans l’artificiel, dans la violence ou dans cette jouissance dont parle André Lucrèce [1], quand elle n’est pas appâtée par l’illusion d’un assistanat parfois institutionnalisé.


Ce constat fait, nous nous sommes tous à un moment ou un autre posé la question de savoir comment sortir de cette spirale, sans avoir pu jusqu’ici y apporter de réponse satisfaisante. Pourquoi ? Parce que nous avons manqué d’imagination. Parce que nous avons trop souvent donné la priorité à la politique politicienne, aux rivalités de partis ou de clans, aux dogmes éculés, à l’ambition personnelle égoïste, voire à la veulerie morale.


Par ailleurs, dans l’état d’esprit de notre classe politique, nos rapports avec ceux qui ont une vision différente de la nôtre, nous poussent à rechercher le pouvoir pour nous seuls. Notre folie du pouvoir passe avant tout. C’est ainsi que nous nous sommes enfermés dans un manichéisme aveugle qui nous a érigés depuis plus de cinquante ans, en gardiens successifs de « notre » vérité absolue. Mal nous en a pris. Aujourd’hui notre pays est plus que jamais verrouillé. D’autres diraient « enkaillé ». Tentons l’analyse.


Le clivage Gauche/Droite est-il encore de mise ?


Nul ne l’ignore, je crois en la réussite par le travail, l’effort et les valeurs individuelles. Je crois en la libre entreprise (dans le cadre défini par les autorités politiques), et en l’entreprise, comme meilleurs leviers de progrès économique, donc d’emplois (plus de 1 500 en ce qui me concerne) et de progrès social. Si c’est cela être de Droite, eh bien je suis de Droite !


La Droite martiniquaise a beaucoup œuvré durant ses années de pouvoir [2] ; en termes d’aménagement, d’équipements, de construction d’écoles, d’éducation, de santé publique, de voiries, de tourisme (Golf), d’opposition aux dérives statutaires sans filet de sécurité, etc.

Est-ce à dire pour autant que j’approuve ou que j’ai approuvé tout ce qu’a fait cette Droite durant ces années ? Non ! Car, faut-il le reconnaitre, il y eut aussi des erreurs de faites ; erreurs qu’elle a d’ailleurs payées très cher, puisqu’elle a été écartée des responsabilités depuis plus de trente ans.


Ma Droite à moi est lucide, éclairée, sociale. Elle est martiniquaise. N’ai-je pas – par profonde conviction - pris l’initiative de décomplexer ma famille politique en l’entrainant à commémorer notre 22 mai, en participant, voire en organisant des manifestations en ce jour mémorable ?


D’un autre côté, est-ce à dire que je condamne tout ce qu’a fait ou que fait la Gauche ? Non ! Cela n’aurait aucun sens. Claude Lise sait bien que j’ai voté au Conseil général en faveur de nombre de ses projets, malgré nos échanges parfois vifs. De même, ai-je applaudi à plus d’une action d’Aimé Césaire en faveur de la modernisation de notre capitale, ou à plus d’une de ses prises de position ou déclarations politiques courageuses....


Mais nous ne sommes plus au bon vieux temps des Bonaro, Pernock, Sauphanor, Ménil ou Janvier. Le contexte n’est plus le même et les difficultés s’accumulent. De plus, les collectivités sont régies aujourd’hui par un maquis de textes, de lois et de règlements plus complexes les uns que les autres, d’où la nécessité de disposer d’administratifs, de techniciens et de politiques de haut niveau, afin de faire les bons choix. Il est donc nécessaire d’avoir à la tête de notre pays des compétences qui soient transversales.


Et précisément, peut-on dire que les compétences sont à trouver exclusivement dans tel ou tel camp ? Non ! Il y en a partout, à «Gauche», comme à «Droite». Alors pourquoi ne pas les mutualiser ?


Le clivage actuel qui date de ce que j’appellerai le Corollaire Césaire, (lorsque celui-ci parla d’autogestion, puis d’autonomie), n’a plus grand sens depuis qu’à une écrasante majorité, nous avons plébiscité l’avènement de la Collectivité Territoriale de Martinique. Si clivage il doit y avoir, ne serait-ce pas davantage entre les partisans d’un développement intégré et moderne, et les autres ? Et je ne surprendrai personne si je m’inscris résolument dans le premier groupe.


Les enjeux des élections de décembre prochain.


Je serai donc candidat à la présidence de la CTM en décembre prochain. Il ne s’agira pas de participer à un combat de coqs, ou, comme le disait l’ancien Président Haïtien Sténio Vincent [2], à un « étrange et authentique commerce de détail de la conscience nationale…». Si c’est le cas, que l’on se rassure, je ne m’y prêterai pas.


Nous aurons en revanche à décider d’une seule chose : l’avenir de notre pays. Et c’est bien ce qu’ont compris les nombreux électeurs et militants de Gauche, de Droite et de la société civile qui nous rejoignent spontanément et de manière désintéressée, initiant ainsi pour la première fois dans notre pays, un véritable brassage d’idées.


Ceux-là ont compris que « la connaissance commune est le plus puissant des pouvoirs ». Ils ont compris que l’heure est à la synthèse des idées. En d’autres termes, que l’heure est à un renouveau de la pensée politique, plus centré sur l’élaboration d’un nouveau contrat économique, social et sociétal, plutôt qu’à entretenir des querelles subalternes et des clivages désormais obsolètes et donc sclérosants.


Vaste programme dira-t-on ? Peut-être, mais l’on ne m’en voudra pas si, comme le disait Aimé Césaire face au même problème :

« J'ai acquis la conviction que sa réalisation [de ce programme] ne peut pas être l'œuvre d'un seul parti, que sa réalisation ne peut pas devenir et ne doit pas devenir l'enjeu de spéculations et de surenchères partisanes, que sa réalisation doit être l'œuvre de tous et qu'elle peut être l'œuvre de tous, si nous avons assez d'audace, assez de désintéressement, assez d'amour du pays, pour mettre sur pied sans esprit de haine et sans sectarisme, un large front martiniquais de progrès et de démocratie…. " [3]


Comment en effet pourrait-il en être autrement vu la situation dramatique dans laquelle se trouve notre pays et notre société ? Trois données :

1- Pôle-emploi nous annonce très officiellement que la barre des 54 000 chômeurs a été atteinte en juillet dernier. Dans la réalité, ne sont-ils pas encore bien plus nombreux ?

2- De son côté, l’INSEE nous assène que la population de Martinique vieillit de manière inquiétante. Les plus de 65 ans risquent d’être majoritaires dans le pays en 2030.

3- Plus grave encore, Christiane Taubira, la Ministre de la justice, reconnait qu’il y a au centre pénitentiaire de Ducos, 1045 détenus, pour 500 places. Ramené à notre population en âge de travailler, ce chiffre voudrait dire que notre pays compte 1 détenu pour 272 unités de ce groupe. Ahurissant !


Faudrait-il adjoindre à ce tableau, l’état actuel d’un monde fou qui craque de toutes parts ? Guerres, misères, famines, chômage, et demandeurs d’asile par centaines de milliers.


Faudrait-il adjoindre à ce tableau la déconfiture de la Grèce, qui précède peut-être celle de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie....ou de la France ?


Faudrait-il adjoindre à ce tableau, la faillite de Porto Rico, pourtant Etat Libre Associé aux Etats-Unis ? Porto Rico, incapable de rembourser une dette faramineuse de 72 milliards de dollars, sans grand espoir de compter sur la bourse secourable des Etats-Unis qui, eux-mêmes, croulent sous une dette abyssale de plus de 16 000 milliards de dollars, dont 10 000 au bénéfice de la Chine ?


Dans ce contexte incertain, tant local qu’international, notre petit pays a-t-il les moyens de s’offrir le luxe d’un obscur théâtre politique et de jeux de scène stériles ? Non !

C’est pourquoi, il nous parait aujourd’hui urgent de changer notre modèle, politique, économique, sociétal, environnemental et comportemental, avant l’avènement d’un carême antillais.


La priorité de nos priorités ? Restructurer notre économie et aménager notre territoire. Pour cela, il faudra croiser les imaginations, puis, une fois à la tête de la CTM, mobiliser les investissements nécessaires aux différents projets programmés. Investissements tout aussi nécessaires à la création qu’à la dynamisation des entreprises, donc à la croissance, à la création d’emplois et au progrès social.


Robert SAÉ froncera sans doute les sourcils, lui qui s’élève contre ce qu’il appelle «les investissements inspirés du libéralisme» [4]. S’il veut parler de la financiarisation folle de l’économie mondiale, il a entièrement raison, sinon que propose-t-il ?

En d’autres termes, où dénicher les investissements ? Qui investira ? Dans quelles conditions ? Car, et SAÉ ne me contredira pas, il nous faudra bien de l’argent pour financer notre développement.

Or, il faut dire la vérité aux Martiniquais :


- On sait que le budget de la CTM sera étriqué et ne parviendra pas à lui tout seul, à maintenir notre pays à flot, voire à nous permettre d’entreprendre une redéfinition de notre économie et de l’aménagement de notre territoire.


- On sait que 9 millions d’euros n’ont pas été consommés dans le cadre du PO - INTER REG 2007/2013.


- On sait aussi qu’avec l’entrée dans l’Union Européenne des pays pauvres de l’est, notre PIB est en voie de dépasser la barre des 75% de la moyenne communautaire, ce qui risque à terme, de diminuer chez nous les injections de fonds européens.

- On se souvient enfin de François Fillon qui nous martelait lors de sa visite : « Je suis à la tête d’un pays qui n’a jamais voté un budget en équilibre depuis 25 ans !!! »…. ». Ou encore : « Je suis à la tête d’un pays en faillite ! »


Il s’agit donc là d’un vrai débat de fond auquel je suis prêt à participer et même à organiser, car il nous faudra bien réfléchir, imaginer, discuter et trouver des pistes sérieuses de travail, sous peine de réduire la CTM à une « chambre d’enregistrement » ou pire, à une coquille vide, résonnant de mots, de diatribes et de slogans creux.


De plus, condition sine qua non pour attirer et maintenir les investissements en question, il nous faudra respecter une période de visibilité et donc de stabilité institutionnelle d’au moins 25 ans. Telle stabilité institutionnelle qui nous a jusqu’ici tant fait défaut et qui profite tant à la Guadeloupe et la Réunion depuis quelques années.


Moi, Je serai le garant de cette stabilité institutionnelle.


Le 24 janvier 2010, le Peuple Martiniquais a fait le choix de la CTM. Ce choix doit être respecté. Tout au plus admettrons-nous quelques réaménagements démocratiques, telle une révision de la prime de 20% ou une autre concernant la structure de l’exécutif qui, en son profil actuel (sans opposition), pourrait un jour, faire le lit de dérives autocratiques dangereuses.


Je serai clair. Avec le respect dû à tous, je m’opposerai à toute velléité d’évolution vers une quelconque troisième, quatrième, voire cinquième voie, dont les promoteurs n’en connaissent pas eux-mêmes le contenu.


Quant aux indépendantistes, puisqu’ils ne soufflent plus mot de leur projet, puis-je leur suggérer de faire preuve du même courage qu’a eu l’UPLG de Guadeloupe en renonçant officiellement à son mot d’ordre d’indépendance, décrispant et apaisant ainsi, la société et le paysage politique guadeloupéen.


Mais allons plus loin. N’est-il pas temps de devenir réaliste ?


A la question suivante posée par une journaliste de Radio Réunion 1ère à Serge Lechimy qui se trouvait dans ce pays en mission parlementaire : « Accepteriez-vous, en cas de remaniement ministériel un poste au gouvernement ? » Ce dernier a répondu catégoriquement : «NON ! Je suis autonomiste, je n’accepterai pas d’entrer dans un gouvernement français !» [5]


Si cela est parfaitement son Droit, a-t-on cependant le Droit de s’interdire, par idéologie, par convenance ou conviction personnelle, l’entrée éventuelle dans un gouvernement, ou d’en entraver l’entrée à un membre de son parti, en sachant pertinemment l’intérêt pour le pays, d’un tel poste ? D’autant que l’on siège soi-même à l’Assemblée Nationale, au sein du groupe parlementaire du PS et que l’on est d’évidence « l’interlocuteur privilégié » de ce gouvernement.


Nul n’ignore que les 4 ou 5 ministres ou Secrétaires d’état guadeloupéens qui se sont succédés à la rue Oudinot, ont - parfois maladroitement il est vrai - œuvré avant tout pour leur pays. Il ne s’agit pas pour nous de faire ici l’apologie d’un quelconque Droit à la préférence, mais d’appeler les uns et les autres au réalisme et à la raison. Aussi, approuverai-je toute éventuelle nomination d’un Martiniquais compétent au gouvernement, quelle que soit sa tendance politique. Il y va de l’intérêt de notre pays.


Cependant, un poste ministériel ne peut à lui seul garantir le progrès et la prospérité. C’est juste un appui utile, un levier. Pour aller de l’avant, il nous revient, sur place, comme je le disais plus haut, de mutualiser les intelligences, mailler les imaginations, rassembler les énergies, afin de trouver les voies et moyens permettant au pays de se relever.


Mais plus fondamentalement, notre pays, pourra-t-il décoller sans l’appui et la confiance du Peuple ? Or, il faut bien le reconnaître, la confiance n’est plus. Déçus, nombreux sont ceux qui se désintéressent de la Politique, parfois même la méprisent et en fin de compte, s’abstiennent de se rendre aux urnes et de voter.


La Politique, dans le sens noble du terme, a-t-elle été trahie par les Politiques ? Dans ce cas, comment retrouver la confiance perdue ? Ne faudrait-il pas rompre avec ce système vicié, obèse d’égoïsme et de petits calculs personnels, qui ne fait aucune place à la rigueur et à l’obligation morale de résultat ?


Je serai le garant de l’Ethique, de la Transparence et de la Culture du Résultat.


Je suis chef d’entreprise. Je sais donc parfaitement ce que sont l’éthique, la transparence et la culture du résultat. Je sais ce que sont la vérité des chiffres et la valeur de l’argent. Je sais ce que c’est que diriger les Hommes. Je sais ce que c’est qu’un engagement.


C’est pourquoi :


1- Je l’ai dit, je le confirme, je le ferai. Si les Martiniquais me confient la Présidence de la CTM, je démissionnerai immédiatement de tous les postes que j’occupe au sein de mes entreprises et de mon groupe économique familial. On ne peut être juge et partie. C’est d’abord une question d’honnêteté.


2- Je proposerai à l’Exécutif et à l’Assemblée, une charte d’éthique et de transparence, permettant aux Martiniquais d’être bien informés des revenus et des avantages octroyés par la CTM, à TOUS les élus. De même que nous rendrons publiques les feuilles de présence des élus en commissions de travail.


3- Aucun recrutement ne sera effectué au seul motif de l’amitié, de la famille, de l’appartenance à tel ou tel parti politique, ou par convenance personnelle. En dehors de la voie normale des concours administratifs, la nécessité et la compétence seront les seuls critères de recrutement.


4- Les élus détenant des responsabilités au bureau de l’Assemblée et dans l’exécutif (Vice-présidents détenant délégation de signature) devront remettre automatiquement leur délégation de signature en cas de mise en examen, et leur démission en cas de condamnation.


5- Un règlement intérieur sera proposé, discuté et appliqué.


Alors, on change ?


[1] - André Lucrèce : « Souffrance et jouissance aux Antilles ». Gondwana (Paroles d’isi-a), 2000. [2] - La Droite martiniquaise a été au pouvoir approximativement entre 1958 et 1981 [3] - Présidence de Sténio Vincent en Haïti : 1930 - 1941 [4] - Aimé Césaire – Discours sur la Savane de Fort-de-France - 22/11/1956 [5] - Robert SAE : « A tous ceux qui croient en notre avenir commun » : 11/04/2011 [6] - Interview à Réunion 1ère du 29 avril 2015


 
 
 

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