LA FARCE DE L’AMENDEMENT LETCHIMY A LA LOI MACRON
- Stéphane Didier (Via Politiques Publiques)
- 3 déc. 2015
- 4 min de lecture
Voici un commentaire trouvé sur le site Politiques Publiques (http://politiques-publiques.com/martinique/ctm-les-programmes-candidats/#comments) qui met en lumière les "approximations" et manipulations de la communication de l'équipe en place actuellement à la région.
Les faits :
Annonce avec brio en février 2015 par cette équipe, qu'un amendement a été déposé par le député Letchimy dans le cadre de la loi Macron favorable à petites structures, mises en difficulté, notamment en raisons de délais de paiement à rallonge de cette même Région.
Or, quelques mois plus tard (août 2015) cet amendement est retoqué par le sénat.
Devons-nous être surpris de l'absence d'information sur ce retoquage, dans la communication de l'équipe en place à la Région, laissant ainsi croire à toutes nos petites entreprises et nos artisans que cet amendement était passé ?

Notre Président de Région a pavoisé il y a quelques mois (13 février 2015) en annonçant triomphalement qu’il avait réussi à insérer un amendement à l’important projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite loi Macron.
Son communiqué du 13 février 2015, toujours sur son site jusqu’au mois d’octobre, annonçait que « Serge Letchimy a présenté et fait adopter un amendement qui va permettre aux « très petites entreprises » locales d’obtenir une attestation certifiant, au regard notamment des créances publiques qu’elles détiennent, de leur capacité à se voir attribuer un marché public. »
Apparemment une vraie victoire, pour les milliers de petites entreprises et d’artisans ne pouvant plus répondre aux appels d’offres publics parce qu’en retard de paiement de leurs dettes sociales alors qu’en même temps les collectivités publiques qui leur doivent de l’argent ne les paient pas. Un vrai problème en Martinique, dont souffrent plusieurs secteurs d’activités, en premier lieu le BTP, et qui conduit à un chômage d’autant moins supportable qu’il ne trouve sa source ni dans le manque de financements ni l’absence d’activités mais dans la simple désinvolture de responsables locaux inconscients des conséquences de leurs actes sur le tissu économique et le marché de l’emploi.
L’idée paraissait bonne, en fait elle n’était pas si bonne que cela pour plusieurs raisons.
D’abord, l’amendement allégeait la pression mise sur les collectivités pour qu’elles payent en temps et en heure leurs fournisseurs de travaux ou de services. Introduire une étape intermédiaire de délivrance d’un certificat ne peut que faire durer plus longtemps le bras de fer entre l’entreprise et la collectivité irresponsable jusqu’au paiement final. Mécaniquement, le volume des créances des entreprises sur les collectivités publiques ne pourrait qu’augmenter.
Ensuite, les entreprises qui travaillent pour les collectivités publiques se plaignent déjà à juste titre du rapport de force particulièrement favorable à la demande à la Martinique, qui a conduit à un insoutenable écrasement des prix en deçà des seuils de survie pour les entreprises. (...)
Enfin, les entreprises qui parviennent à régler leurs dettes sociales tout en détenant des créances sur les collectivités publiques auraient été confrontées à un dilemme : faut-il continuer à payer toutes ses charges sociales quand on peut différer le paiement à hauteur de créances détenues ? Question d’abord morale, mais bien vite de bonne gestion financière. En cas de problèmes de trésorerie, il pourrait même progressivement devenir de mauvaise gestion de régler ses dettes sociales en deçà du comptes clients publics.
Fatalement, indépendamment de la bonne volonté des acteurs, l’amendement aurait gonflé le stock des dettes sociales des entreprises martiniquaises.
Au final, un gonflement du volume des dettes des collectivités envers les entreprises et des dettes sociales de ces dernières, une accélération de l’écrasement des prix d’attribution des marchés publics, et la fourniture d’un levier supplémentaire de négociation aux collectivités irresponsables, voila ce que promettait l’amendement Letchimy à la Martinique. Mais il contenait aussi une promesse faite aux entreprises des secteurs qui dépendent de la commande publique.
Fort heureusement, la loi Macron adoptée le 6 aout dernier ne reprend rien de l’amendement Letchimy. Et pour cause, une rapide recherche sur le processus législatif fait apparaitre que le dit amendement a été retiré du projet de loi au cours de l’examen de celui-ci le 20 mars au Sénat par un autre amendement (cette fois réellement adopté) venu rappeler à notre député que le sien violait le principe d’égalité devant la commande publique. Serge Letchimy méconnaitrait donc les principes généraux du droit.
Avouons-le, c’était un peu prévisible, mais qu’un sénateur le dise dans un amendement à notre député, cela s’appelle un camouflet. Camouflet dont Letchimy était informé depuis le 20 mars, soit une semaine après son communiqué triomphant, mais il ne s’est pas senti obligé de retirer ce dernier, laissant croire que la promesse faite aux artisans et TPE tenait toujours.
Une fausse bonne idée pour régler un vrai problème, une fausse victoire annoncée, une promesse faite alors qu’elle avait toutes chances ne pas pouvoir être tenue, un camouflet de parlementaire à parlementaire mais qui n’empêchait pas Serge Letchimy de maintenir sur son site sa promesse, c’est à se demander si on a encore du respect pour les artisans et TPE à Cluny.
Surtout quand on apprend que la Région elle non plus ne paie pas ses prestataires dans les délais soutenables, se rendant ainsi activement complice du problème bien réel que son président entendait résoudre par une entourloupe qui, hélas pour lui, n’a pas marché.
Du grand n’importe quoi.
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